LE DON D’ORGANES : LA POSITION DU BOUDDHISME

Au Sri Lanka , pays majoritairement bouddhiste, se trouve l’une des plus grandes, si non la plus grande banque des yeux au monde.

C’est que rien ici, dans la conviction religieuse, ne s’oppose au don d’organes, œil ou autre. Bien au contraire, et la raison s’en trouve dans l’expression elle-même : ‘’ don ‘’ d’organes.

Dana, le don, est, en effet, l’un des fondements de la pratique bouddhique ; c’est aussi l’une des dix transcendantes.

On distingue Amisadana ou don matériel, abhayadana ou don de la sécurité et Dhammadana , le don de l’enseignement ( l’enseignement du Bouddha, bien entendu)

Le don du Dhammadana, est-il souvent dit, surpasse tous les autres. Il est, assez logiquement, d’avantage de fait des moines. Les laïcs, que rien n’empêche de pratiquer le Dhammadana s’ils en ont la compétence et la possibilité, s’efforcent surtout au don matériel.

Selon la littérature bouddhique dans la vie président du Bouddha quand il a complété la perfection de Générosité en tant que Bodhisattva, il a donné les   yeux plus que les étoiles de ciel. Il a offert du sang plus que l’eau de l’océan et il a offert sa chair plus que la terre   dans beaucoup des occasions diverses selon les nécessités pour les gens et aussi pour les animaux. 

Ce dernier prend, en premier lieu, la forme du don de subsistance- nourriture, vêtement, toit-aux religieux auxquels les règles de discipline interdisent toute activité à but lucratif. C’est dans cette catégorie, voire à cheval sur les deux premières- don matériel et don de sécurité-que l’on situera le don d’organes.

Le don est matériel, car quelque chose de tangible, l’organe, en est l’objet, Mais pour celui qui reçoit, celui dont la vie était menacée, c’est une forme de sécurité qui revient.

Le don est, par ailleurs, pour le bouddhiste qui se place dans la perspective des multiples existences qu’il a à traverser, un acte positif, générateur de mérites. Le mérite, garant de renaissance favorable, et de progression spirituelle.

D’autre part, l’individu est perçu comme un composé temporaire d’énergies psycho-physiques, ce qu’il est traditionnel de distinguer en Cinq Agrégats de l’attachement : matière, sensation, perception, formations mentales, et consciences. Rien de permanent dans cet ensemble, soumis à conditionnements et en constant changement. Rappelons aussi que le bouddhisme, s’il ne rejette pas la condition divine, ne connait pas la notion d’un Dieu créateur suprême.

Le corps de l’homme n’est donc pas une création divine, et la conception bouddhique de l’individu, que l’on vient de retrouver, faite que nul organe, nul fluide corporel n’est envisagé comme le siège d’une quelconque âme, conscience, ou principe d’essence divine, qui rendrait, en conséquence, l’organe considérable tabou ou intouchable.

Le Bouddha lui-même, au cours de ses innombrables existences antérieures, montra, à maintes reprises, son infinie capacité à se sacrifier pour le bien d’autrui : nourrissant une tigresse affamée de son propre corps, ou offrant sa chaire en contrepartie d’une colombe qu’il voulait sauver de la voracité d’un rapace.

Ce n’était, certes, pas vraiment du don d’organes comme nous l’entendons aujourd’hui, et le problème, de toutes manières, n’était pas encore d’actualité lorsque le Bienheureux enseignait, voici environs 2560 ans.

Mais, dès l’origine, se trouvaient dans sa doctrine, tous les éléments d’une réponse positive et sans restriction, à la question du don d’organes.

 

Bhante Dhammika, CBI de Genève

28.11.2017

Comments are closed.